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Libération
Critique

L'opéré du Rhin

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L'hallucinante saga d'un chirurgien allemand dans un haletant manga en 18 tomes.
publié le 27 janvier 2005 à 0h09

Il était une fois un monstre qui n'avait pas de nom.» Cette petite phrase risque bien, dans les années futures, d'acquérir aux oreilles des lecteurs de mangas de plus en plus nombreux une sonorité comparable à celle du Mystère de la chambre jaune, «le presbytère n'a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat». Et d'avoir sur des poètes encore lycéens l'effet d'un puissant générateur. C'est que le labyrinthique et obsédant thriller dessiné de Naoki Urasawa, aujourd'hui considéré comme un maître absolu du genre, tel un boa constrictor de fiction, s'est emparé d'imaginaires pourtant rompus à plus d'un artifice du seinen manga. Ceux publiés notamment dans le magazine pour jeunes adultes Spirits, où Monster a fait son apparition entre 1997 et 2002. Mois après mois, impatients comme, à l'époque victorienne, les fans de la Femme en blanc de Wilkie Collins piétinant devant les kiosques à journaux londoniens, les lecteurs ont guetté la sortie des épisodes chaque fois plus terrifiants et insondables d'une saga sans pareille. Ils se sont coulés avec les délicieux frissons dans la peau du jeune neurochirurgien nippon Kenzo Tenma, obstinément lancé dans une quête hallucinante au coeur d'un paysage parfaitement adapté à l'intrigue du récit d'Urasawa. La grande habileté de celui-ci est certainement d'avoir choisi pour toile de fond du long cheminement du héros l'Allemagne réunifiée mais toujours crucifiée, en proie aux démons les plus irréductibles de son histoire récente.

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