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Critique

Tourments sans faim

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Addiction? Organisation psychique tournée vers la mort? Une analyse de l'anorexie.
publié le 3 février 2005 à 0h21

La nourriture est l'un des carrefours essentiels de la relation de l'individu à son environnement. Quand les parents disent à leur bébé : «Une cuillerée pour maman, une cuillerée pour papa», «ils contribuent sans le savoir à faire de l'alimentation le véhicule de l'amour et de la soumission à leur propre désir», écrit le pédopsychiatre Philippe Jeammet. A partir de là, tout peut déraper ; qu'on se rassure, cela n'arrive pas si souvent ! Mais quand ça arrive... L'anorexie mentale est une maladie scandaleuse qui nous met brutalement en présence d'une organisation psychique tournée vers la mort chez des sujets jeunes (des filles presque toujours) qui se détruisent sans que la non-satisfaction d'un besoin premier et aussi vital que la faim soit pour elles un sujet d'interrogation ou d'inquiétude. C'est donc un véritable défi pour les spécialistes (pédopsychiatres et psychanalystes principalement) ­ teinté souvent d'une certaine fascination ­ que de comprendre le fonctionnement psychique de ces patientes qui «meurent de plaisir». Pas toutes heureusement : «seulement» 10 % d'entre elles, pour une moitié des conséquences de la dénutrition, les autres se suicidant (ce dernier cas ne concerne presque exclusivement que les anorexiques qui ont aussi des accès de boulimie). Ces chiffres ont d'autant plus durs que dans 20 % des cas l'anorexie peut devenir chronique, ces patientes étant toute leur vie en proie à de très grandes difficultés psychiques. Sans compter le fait qu'une proportio