Le Caire de notre correspondante
Il y a dehors des vendeurs de chapelets, des gamins qui courent avec leur palette garnie de pains ronds vissée sur la tête, des hommes moustachus assis devant des tables en cuivre, qui congédient de la main les mendiants en gallabeyas et les chats efflanqués. Il y a des odeurs de friture, d'encens, de cirage, et, aux murs, dans le passage, de grands miroirs plusieurs fois centenaires. Gamal Ghitany donne rendez-vous au Fishawi, mythique café médiéval du souk du Khan el-Khalili, en plein coeur du Caire fatimide. S'il pratiquait l'art de la pose, Gamal Ghitany n'aurait certes pu trouver mieux pour flatter l'imaginaire de l'occidental en mal d'orientalisme. En cette heure matinale, les touristes n'ont pas encore envahi les venelles tortueuses du Khan, d'une échoppe s'échappe une psalmodie du Coran, et le vieux bazar du Caire semble figé dans le temps. Mais voilà : la pose importe peu à Gamal Ghitany. Ce quartier, il en est le fils prodigue, lui qui y vécut trente ans, gagnant son pain comme dessinateur de tapis, avant que son amour des mots ne l'en fasse sortir, pour devenir journaliste le jour, écrivain la nuit, deux vies qui cohabitent dans cette carcasse carrée aux épaules un peu voûtées. Aujourd'hui, il s'est assis dans un angle, à l'abri des regards. Les serveurs passent et saluent. Un thé fumant, des brins de menthe sont posés sur la table. Naguère, c'était Naguib Mahfouz, que le Nobel consacra en 1988 maître du roman arabe, qui devisait là