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Libération
Critique

Série Nord

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Trois polars venus du froid: il y a quelque chose de pourri au royaume de la prospérité nordique.
publié le 10 février 2005 à 0h29

A Davos ou face au tsunami, les sauriens cravatés ont ouvert le portefeuille, chanté la solidarité, écrasé une larme. Ceux qu'endorment ces patenôtres pourront s'éveiller en lisant L'homme qui souriait, du Suédois Henning Mankell. L'exergue, de Tocqueville, en résume le propos : «Ce qu'il faut craindre, ce n'est pas tant la vue de l'immoralité des grands que celle de l'immoralité menant à la grandeur.» Dans le roman d'Henning Mankell, on comprend vite qu'Alfred Harderberg, l'un des hommes les plus puissants de Suède, est parvenu à la grandeur par l'immoralité. On comprend aussi que cette grandeur n'a fait qu'accroître l'immoralité ­ et le sentiment d'impunité que les deux réunies lui procurent.

Le petit plus, dans son cas, c'est le crime et sa mise en scène perverse. D'emblée, un vieil avocat paisible est assassiné en sortant de chez le grand homme. Il conduit sur une route brumeuse, la nuit-scène typique des romans de Mankell. Soudain, il découvre une grande poupée sur la route. Il commet l'erreur de descendre du véhicule. Dans les histoires de Wallander, les meurtres inauguraux jaillissent du brouillard avec une lenteur précise, en hallucinations réalistes. On les subit avec la victime, qui en meurt.

Le docteur Harderberg aime à tirer sur des poupées disposées dans son parc. Il les place aussi là où ça meurt. Elles provoquent un certain malaise, comme de la cire sur un visage d'enfant. On songe aux Yeux sans visage, du réalisateur Georges Franju. Mankell a régulièrement des