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Libération
PORTRAIT

Le don de trouble-vue

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Marie Ndiaye, 37 ans, écrivaine. Vit en zone inondable, ne croit pas à l'irréel, même si son écriture entraîne dans des régions indistinctes où la magie se coule dans l'ordinaire.
publié le 16 février 2005 à 0h35
(mis à jour le 16 février 2005 à 0h35)

Portrait publié dans Libération le 16 février 2002

Elle dit que des études ont été faites, les gens tendent moins la main vers les livres aux couvertures vertes, et on se met à établir des listes absurdes : à part la chlorophylle, sont en vert beaucoup de cuisines avec néons, les martiens, le roquefort, les aliments à base de pistache, et aussi une jeune fille, Marianne, croisée il y a vingt ans, dont Marie Ndiaye garde vive en mémoire la silhouette, le son des talons et l'imperméable cintré vert pomme. Qu'est-elle devenue ? Il y a donc des gens qui ne sont pas académiciens et qui s'habillent en vert.

Depuis quelques semaines, les femmes qui rendent visite à Marie Ndiaye évitent de porter ne serait-ce que des boucles d'oreille vertes. Ce n'est pas qu'elles sont superstitieuses, mais elles croient à ce qui est écrit. Les femmes en vert sont maléfiques. «Maléfiques ? Non. Elles ne trahissent pas, mais sont imprévisibles. Etes-vous toujours la même ?»

Le nouveau livre de Marie Ndiaye se nomme Autoportrait en vert et «ce n'est pas un roman». L'écrivaine ajoute : «Je n'ai jamais mis dans un texte autant d'éléments réels. J'ai respecté le contrat. Si on se peint, on est assez précis, ce qui ne veut pas dire qu'on est complètement exacte.»

Pourquoi ne pas se fier à cet autoportrait qui jette le lecteur dans un sentiment d'étrangeté, la certitude que rien ni personne n'est sûr, sauf les enfants, garants de la réalité? Contrairement à sa narratrice,