Menu
Libération
Critique

Bon comme la roumaine.

Article réservé aux abonnés
Des recettes qui raviront les ogres des Carpates.
publié le 17 février 2005 à 0h37

Orfèvre reconnu dans l'art de l'aphorisme, Emil Cioran évoquait dans ses Cahiers le lien entre le suicide et une mauvaise digestion. Il se gardait bien de citer un exemple précis, mais on peut aisément imaginer qu'il pensait aussi à la cuisine roumaine de sa jeunesse, savoureuse et roborative mais redoutable aux estomacs délicats, surtout quand elle est mal faite. Mélange d'influences austro-hongroises, balkaniques et ottomanes, cette gastronomie a désormais sa bible, un copieux ouvrage écrit par Radu Anton Roman, journaliste-écrivain fine gueule devenu une vedette de la chaîne de télévision privée Pro TV. Et si le livre réunit nombre de recettes, ce Jean-Pierre Coffe d'outre-Carpates se fait tout à la fois ethnologue et historien pour de colorées digressions sur l'imaginaire roumain au travers de ce qu'il ingurgite.

Ce patrimoine culinaire reste un monde étrange, encore enchanté, plongeant ses racines dans les campagnes et leurs antiques croyances païennes. Il y a «les jours solaires» du coeur de l'été «où l'on ne trait pas les vaches pas plus qu'on ne boit de lait pour ne pas vexer les dieux ours». Il y a «le jour des noces des orties», c'est dire celui où elles fleurissent, devenant dés lors indigestes et maléfiques. Nombre de ces rituels ont été récupérés par l'Eglise orthodoxe, restée très influente malgré un demi-siècle de communisme, et son calendrier liturgique recense 180 jours par an où «le chrétien doit renoncer au plaisir de consommer de la viande pour se vouer au