Qu'Alain Badiou soit philosophe, et le demeure même lorsqu'il en troque les habits pour ceux de dramaturge ou de romancier, ne fait aucun doute. Ce n'est un secret pour personne qu'il soit aussi un militant politique, le «soldat» de causes politiques, celle «du peuple» jadis, celle des sans-droits aujourd'hui, ou des sans-papiers. Si, dans la hâte, on faisait cependant se recouvrir les deux «qualités», afin de confectionner une figure de «philosophe politique», on raterait assurément Alain Badiou ou on le rendrait méconnaissable. Depuis des années, celui-ci tente en effet de provoquer le divorce dans le couple à ses yeux monstrueux qui porte le nom de «philosophie politique», couple dans lequel la (le) politique serait une activité vouée à composer les intérêts et les volontés des individus ou des classes formant une communauté, sinon à gérer ses modalités de «reproduction», et où la philosophie serait députée à la «surveillance» de son conjoint, aurait pour tâche d'enquêter sur la nature, les formes, les structures de la politique, et, en fin de compte, d'extraire la «pensée» de cette «objectivité brutale et confuse qu'est l'empiricité des politiques réelles», et de la soumettre aux normes de l'éthique. Si la paix continuait à régner dans un tel ménage, les choses iraient leur train : la justice, l'égalité, la démocratie et la politique elle-même demeureraient des «affaires» du seul Etat.
Pour que la démocratie désigne autre chose qu'une «forme d'Etat» ou, pire, ne devienn