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Libération

Pays de craie.

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publié le 17 février 2005 à 0h36

Paris, Centre Pompidou, un mercredi soir (9 février). Un débat : «Sortir du roman ? Y rester ?». Deux invités : Annie Ernaux et Patrick Grainville. Et une centaine de personnes pour les écouter. Il paraît que le roman va mal, que les nouvelles écritures vont plutôt vers le document au ras du vécu. Ernaux en reine de l'aveu et Grainville en prince de la fiction échangent quelques balles, puisqu'on leur a donné des raquettes. Mais, dans le fond, ils s'en foutent, et nous aussi. L'imaginaire, le réel, le style, et puis ceci, et puis cela, et puis marre.

On aurait préféré un débat sur la Normandie, joli pays de craie et de Caux. Ernaux est née à Lillebonne (Seine-Maritime) et Grainville à Villers-sur-Mer (Calvados). Ils ont monté leur petite entreprise minière. Ils creusent d'assez jolies galeries, quoique de styles très différents. Ils forent la craie à la recherche de fossiles, de coquillages, de vrais bouts de réel. Ah se cogner enfin au réel ! Mais il faudrait creuser plus profond encore, puisque les deux auteurs reconnaissent d'une même voix : «Le réel fuit toujours devant nous.» Proust, qui sillonna la côte de Dieppe à Cabourg, écrivait lui-même : «La réalité n'est jamais qu'une illusion sur la voie de laquelle nous ne pouvons aller bien loin.»

La Normandie, c'est un peu la Californie française : la dernière frontière à l'Ouest avant la mer. Imaginez Dieppe en San Francisco et Varengeville en Big Sur. L'idéal serait de réussir à attraper un petit bout de réalité avant de se