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Libération
Critique

La vie est bête.

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Langoustes et brochettes, enfer et dalmatien: le tour d'une enfance en quatre-vingts mots.
publié le 24 février 2005 à 0h43

A l'intérieur de Faune, qui se présente comme un inventaire en quatre-vingts vignettes de différentes longueurs classées de A à Z, on peut s'amuser à dresser des listes. Bien que le livre laisse une impression de jubilation, la liste des choses plaisantes est courte. L'écrivain adulte, penchée sur ses quinze premières années, revoit la beauté de son gentil frère cadet, l'apparition d'un dalmatien, les vacances paradisiaques en Grèce ou ailleurs : «L'été je ne pense pas à lire ni à me suicider.» Il lui arrive d'être fière : fierté d'avoir dans sa famille «une personne lettrée» (bonne soeur dans un couvent), un grand-père inventeur, une grand-mère toquée de la couleur bleue, et, devant la «maison moche», fierté d'avoir un poirier qui fait des envieux. Ajoutons une passion pour les langoustes étrangères, et une brochette de héros pour jalonner la croissance : Bambi, Violette Nozières, Louis Aragon (un voisin), puis André Breton.

La liste des douleurs, des choses consternantes ou honteuses, est beaucoup plus longue. A elle seule, la mère cumule obésité, colères, cris, violence envers son ivrogne de mari et sa fille, hypocrisie. Quand elle redevient présentable, c'est qu'elle a divorcé. Le père appartiendrait plutôt à la liste des choses positives, surtout quand il n'est pas saoul, mais en vérité il génère une troisième liste : ce que l'enfant, à partir de 7 ans, «fait croire». A ses camarades que cela n'intéresse guère («je suis mon meilleur public»), elle fait croire que son pèr