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Libération
Interview

«Dans un non-lieu de mémoire»

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Il ne s'agit pas de cacher des secrets de famille, mais de taire des blessures ouvertes.
publié le 10 mars 2005 à 0h55

Quelle est la genèse de ce livre ?

A la base de Souvenirs de familles immigrées, il y a une action pédagogique. Avant d'être maître de conférences en sociologie, j'étais professeur d'histoire-géographie. C'était au collège Poincaré de La Courneuve, en banlieue parisienne. J'ai eu ce poste pendant dix ans et, la dernière année, nous avons monté, avec deux collègues, un atelier d'écriture sur la mémoire familiale. Nous voulions faire de l'histoire-géo, des lettres et des arts plastiques d'une manière plus créative, en faisant appel aux connaissances des élèves. L'idée était que ces adolescents, presque tous issus de l'immigration, pouvaient nous faire accéder à des mondes anciens et exotiques. Je me suis rendu compte plus tard à quel point c'était une idée naïve. Nos ambitions de pédagogues expérimentaux se sont heurtées aux résistances des élèves : les uns semblaient ignorer leur passé familial, les autres freinaient des quatre fers. Finalement, nous avons quand même réussi, avec le temps, à réunir des textes et des photos sur leurs grands-parents, qui constituent un corpus intéressant.

Pourquoi, alors, avez-vous étudié la mémoire familiale ?

C'était une occasion. Au départ, on voulait aboutir un livre produit par les élèves. D'autres enseignants avaient déjà mené à bien de telles actions dans d'autres établissements. La lecture de Maurice Halbwachs m'a convaincu que l'on pouvait faire une sociologie de la mémoire familiale. J'ai commencé à rendre visite aux familles, à prendre