Ala fin des années 50 et au début des années 60, Sartre nous arrivait de partout : par nos professeurs de lettres ou de philosophie, et par la bande, si j'ose dire, précédé de la réputation sulfureuse que lui valaient, outre le fameux «P» suivi de trois points du titre d'une de ses pièces, quelques descriptions érotiques assez crues dans ses nouvelles. En classe de première au lycée de Biarritz, à la récréation qui suivait le déjeuner des demi-pensionnaires, nous étions quelques-uns à nous lire à voix haute des passages choisis du Mur. Façon assez littéraire de le faire, le mur ! Mais après s'ouvraient les chemins de la liberté...
La Nausée m'avait désorienté : malgré tous mes efforts, je n'arrivais pas à entrer dans la conscience flageolante de ce type qui a des flashs devant les racines de marronnier ! «De trop...» Puis, cela a été un émerveillement croissant : L'existentialisme est un humanisme, le Diable et le bon Dieu, Situations I...
Façon extraordinaire et globale dont il a réussi son coup : système philosophique cohérent (un des derniers avec celui de Bergson : il ne lui manque qu'une cosmogonie), illustré par la fiction et le théâtre, autovulgarisation (L'existentialisme est un humanisme), regard critique sur les prédécesseurs ou les pairs (Situations), autoportrait de l'artiste (les Mots).
Le romancier, chez lui, tenait parfois la main au philosophe (le garçon de café dans l'Etre et le néant) ou le philosophe au romancier (quand Roquentin, devant son marronnier, expli