(envoyé spécial à Moscou)
C'est sans doute l'un des écrivains russes les plus occidentaux. C'est en tout cas celui qui parle le mieux anglais. Son accent impeccable, changeant à volonté, rappelle qu'il fut pendant quatre ans acteur dans la troupe du metteur en scène Anatoli Vassiliev. Ce n'est pourtant pas dans un collège anglais, mais dans le nord de la Sibérie, qu'Andreï Guelassimov a découvert les auteurs qui inspirent ses nouvelles : Hemingway, Fitzgerald, plus tard Salinger («Il a changé ma vie»). Des Russes, il ne cite guère que Ludmila Petrouchevskaia, dont les récits (1), vibrant dans les cruautés de la vie quotidienne russe, ont marqué ici plusieurs écrivains. Dans la nuit sibérienne et la brutalité soviétique, la sensibilité des grands nouvellistes a soulagé Guelassimov. «Je ne me suis pas mis à l'anglais pour communiquer, dit-il, mais pour les lire. On pensait alors ici qu'on ne communiquerait jamais avec le monde extérieur.»
Fils de militaire, Guelassimov est né à Irkoutsk en 1965. Enfant, il lit Jules Verne, Mark Twain et Stevenson, tous très bien traduits en russe. Aujourd'hui, quand il lit ces auteurs à ses propres enfants, ceux-ci trouvent qu'Harry Potter, «c'est de la merde». Il a quinze ans quand la famille, suivant le père, s'installe à Yakoutsk. Il y tombe amoureux de sa future femme et demeure sur place quand ses parents retournent à Irkoutsk. A Yakoutsk, il y a la nuit, le froid, la viande, la vodka, du diamant et de l'or dont le trafic est organisé par d