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Critique

Harms à bras ouverts

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Yvan Mignot, son traducteur, célèbre les vertus inclassables de Daniil Harms. Mais où est donc Khlebnikhov ?
publié le 17 mars 2005 à 1h01

Quand on rencontre Yvan Mignot, à la troisième phrase il a déjà parlé deux fois de Vélimir Khlebnikov, l’écrivain russe en qui des manitous comme Roman Jakobson ou Ossip Mandelstam voient «le plus grand poète russe du vingtième siècle». Le plus intraduisible aussi. Traducteur de l’impossible, Yvan Mignot s’est attelé il y a longtemps à cet himalaya, à sa manière : cordes érudites et piolet inventif. Les publications viendront tôt ou tard. Entre-temps, Hélène Chatelain, qui dirige la collection «Slovo» chez Verdier, lui a proposé de traduire les œuvres d’un autre Russe d’exception, l’inclassable Daniil Harms. Mignot s’y est mis.

Pendant qu’il traduisait Harms quand il ne fendait pas du bois ou ne réparait pas une canalisation pétée par le gel, là où il vit dans un village d’Ardèche au-dessus des Vans, un autre russisant, le professeur Jean-Philippe Jaccard a fait paraître un choix d’Ecrits de Harms chez Bourgois (1). C’était en 1993, on découvrait Daniil Harms. Un choc. On le redécouvre aujourd’hui. Sous le titre Œuvres en prose et en vers auquel il aurait préféré le titre plus harmsien d'«œuvres quasi complètes», Mignot va plus loin, tape plus fort : il traduit toute la poésie, des pièces inachevées et des tas de bouts (Harms n’est fait que de ça), autant d’inédits. Et surtout, outre les (rares) blocs de textes ordonnés par Harms (déjà connus par les Ecrits), Mignot respecte l’ordre d’écriture, tous genres confondus (poésie, pièces, court récit, etc., mais