«L’âme grandit de tout, surtout des pertes.» Pour Marina Tsvetaeva, l’un des grands poètes russes du siècle passé, l’âme seule comptait : «Dans mes veines coule non pas du sang, mais de l’âme.» Qu’est-ce que l’âme ? C’est l’absolu la «salamandre» : «Les salamandres dansent, Et Marina pense : Comme c’est bien de vivre dans le feu !» Tzvetan Todorov propose aujourd’hui des morceaux choisis et commentés de sa correspondance et de ses carnets intimes. En attendant la publication intégrale des seconds par les éditions des Syrtes (1), ce livre permet de suivre le destin d’une femme, d’un poète, d’une âme donc, à qui rien ne fut épargné mais qui, sans cesse, chaque matin, à chaque ligne, renaquit.
Marina Tsvetaeva a beaucoup perdu : sa seconde fille Irina, morte à Moscou dans la misère moscovite de l’hiver 1919-20 ; son mari Sergueï Efron, russe blanc retrouvé en exil, devenu agent du NKVD, et pour qui elle retournera en URSS où il sera exécuté ; sa première fille Alia, arrêtée en 1939 et déportée pour seize ans. Elle souffrit de la faim pendant la guerre civile russe. Exilée en France de 1925 à 1939, elle eut une vie quotidienne obscure et désastreuse à Meudon et Clamart. Elle projeta son esprit amoureux sur des hommes qui ne valaient souvent que par la lumière qu’elle leur concéda. Le monde culturel français ne la reconnut jamais : on lira, par exemple, comment elle traduit Pouchkine, et explique magnifiquement s