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Critique

Eloge de Londres

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Whitechapel, bière, gin et Jack l'éventreur. Etude, de 1840 à 1914, de l'archétype de la ville moderne.
publié le 24 mars 2005 à 1h07

Au coeur de l'imaginaire luxuriant que nous légua l'Angleterre victorienne figure le mythe d'une ville, Londres en tête, livrée la nuit venue aux pires turpitudes. On songe aux quais de la Tamise embrumés par le fog, aux taudis répugnants de Withechapel ou de Saint-Giles, aux bas-fonds gorgés de bière et de gin, pépinières du crime et de la prostitution. Dickens avait planté le décor avec Oliver Twist en 1837, les slums novels de George Gissing ou d'Arthur Morrison, puis les romans policiers de la fin du siècle (Conan Doyle) l'avaient savamment exploité, tandis que les «exploits» de Jack l'Eventreur en 1888, ou ceux moins connus du Dr. Cream, autre tueur de prostituées en 1892, semblaient donner corps à ces représentations. Première nation urbanisée d'occident, l'Angleterre du XIXe siècle signalait-elle ainsi le caractère violent et criminogène de la ville moderne ?

L'examen de l'imposante historiographie anglo-saxonne sur la question, mais surtout des archives policières et judiciaires britanniques, amène Philippe Chassaigne, l'un des meilleurs spécialistes actuels de l'histoire de l'Angleterre, à de tout autres conclusions. Sans doute la société victorienne demeurait-elle violente, et les grandes villes connurent-elles quelques pics d'inquiétude, comme durant la garotting panic londonienne de 1862 (une épidémie d'agressions nocturnes) ou lors des affrontements de bandes d'adolescents, Scutllers, High Rip Gangs ou Hooligans, qui marquent les années 1890-1900. Mais la dynamiq