C'est d'abord une chanson étrange, bêlante et louche, où des hommes s'enlacent dans l'herbe «comme des frères» ou «des enfants». Puis une paire de chaussons et un narrateur dont la conscience chevrote, il les tourne et les retourne , «je cherchais peut-être quelque chose dedans», ne se rappelle plus, ne sait pas. L'image des chaussons appelle celle de son grand-père (on tourne la page) qui «lisait la Bible aux cabinets, tous les jours, à la même heure. A voix haute. En plus il m'a appris à boutonner ma braguette». Dès le début, Svinobourg campe sur des terres oniriques, ou doucement cauchemardesques, habitées de corps désirables et abjects à la fois, de corps glorieux dans la déchéance comme dans la vigueur.
Il y a le corps obèse du narrateur quand il était enfant, un «bain visqueux» de graisse. Dans une scène d'une violence extrême, Fritz (c'est son nom) s'éventre à coups de ciseaux pour essayer de «déboutonner» cette chair haïe. Auparavant, il a passé les robes de sa mère et ses fards, il s'est regardé dans le miroir : «Imaginez-vous un cochon coiffé d'une perruque (...). Ce cul barbouillé de maquillage avec deux yeux ! Des yeux pleins de désirs et de larmes!» A l'opposé, «la beauté» des autres le nargue : c'est un défilé de corps masculins aux «tétons frémissants» assortis de «petits poils vers le bas du ventre». On se croirait chez Jean Genet. Sauf que, malgré ses réminiscences carcérales et son goût pour les torses nus, le narrateur pose sur ses hommes un regard nettemen