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Libération
Critique

Sa vie, son oeuvre

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La biographie, genre à la mode, retrouve une légitimité qu'elle avait perdue. François Dosse explique comment.
publié le 31 mars 2005 à 1h16

A l'inverse des essais historiques, dont la bonne fortune éditoriale semble aujourd'hui révolue, les biographies continuent de se porter à merveille. Même s'il vieillit un peu, un ample public d'érudits et d'amateurs continue d'acheter ces pavés impressionnants que publient régulièrement des maisons comme Fayard, Perrin ou Tallandier, et dont les meilleurs titres peuvent dépasser les 100 000 exemplaires. Une véritable «fièvre éditoriale», écrit François Dosse en prologue de l'ouvrage qu'il consacre à l'écriture biographique et ses ressorts.

Le genre, pourtant, ne va pas sans poser de problème. Ambivalent, hybride, impur, les adjectifs ne manquent pas pour spécifier cette étrange écriture, tendue entre le souci de restitution du vécu et celui de la recréation romanesque. Car, à l'inverse du modèle anglo-saxon, obsédé par la précision documentaire, la biographie à la française (qui demeure l'objet central du livre) s'est toujours voulue très littéraire et n'a jamais rechigné à user de la psychologie, du dialogue, de la fiction. En a résulté l'investissement continu des romanciers dans le genre (Maurois, Malraux, Zweig ou Troyat parmi beaucoup d'autres), mais aussi le tenace discrédit qui a longtemps pesé sur lui. Dès la fin du XIXe siècle, les sciences sociales se sont élevées contre «l'idole biographique» (Simiand) et ont dénoncé dans la foulée les illusions de reconstitutions trop cohérentes ou linéaires (Bourdieu) et l'indigence de leur épistémologie. A compter des Annales,