Selon Stephen Spender qui l'observa longtemps, «Auden s'efforça toute sa vie d'analyser, d'expliquer et de maîtriser les circonstances de celle-ci». Cet incessant et harassant travail est peut-être à l'origine de la métamorphose physique du poète, devenu légendaire à l'heure où tous les vents de la vie eurent fini de lui sculpter un visage de vieux Viking au regard balayé par une mèche rebelle, vestige incongru des années de collège. C'est la «baleine» qu'évoque Guy Goffette au fil d'un livre qui restera comme le roman syncopé de Wystan Hugh Auden (1907-1973), créateur solitaire et inconsolable n'ayant trouvé de repos que dans la maîtrise absolue de son art. La poésie d'Auden s'impose par une forme rassurante et parfaite, en surprenant contraste avec l'apparent chaos de son existence.
Goffette a croisé pour la première fois le regard du poète sur une photographie de Richard Avedon datée de 1960. Auden ou l'oeil de la baleine est le récit de sa traque, la reconstitution d'une longue errance souvent connue de nous par ses années de compagnonnage avec le romancier Christopher Isherwood. Lui et Wystan se sont connus sur les bancs de la St. Edmund's School en 1915 puis retrouvés au Christ College d'Oxford où Auden se tient mal, porte cape et chapeau, fume la pipe, en un mot n'arrête pas de faire l'intéressant pour dissimuler un effroyable malaise existentiel.
Il idolâtre T.S. Eliot et se passionne pour les sagas islandaises. Dès 1925, la bougeotte prend Wystan qui part pour l'Allem