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Libération

Si Schiffrin ne meurt.

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publié le 7 avril 2005 à 1h34

Le récit de l'amitié entre Jacques Schiffrin et André Gide est aussi un témoignage sur la vie littéraire et éditoriale des années 1930 et 1940 où on voit passer les figures de Roger Martin du Gard, Paul Valéry, Jean Paulhan, André Malraux, sans compter les «Gallimard brothers» (Gaston et Raymond) à qui Schiffrin aura de bonnes raisons de garder quelque rancune. Né à Bakou en 1892, celui-ci s'installe à Paris en 1922, y crée en 1925 les éditions de la Pléiade après être entré en contact avec Gide pour que celui-ci revoie la traduction de la Dame de pique, de Pouchkine. Dès 1926, Gide invite Schiffrin et sa première femme à Cuverville. Maria Van Rysselberghe, «la Petite Dame», commente ainsi dans ses Cahiers la réaction de l'écrivain, comme on le lit dans une note de l'édition critique d'Alban Cerisier : «J'apprends qu'il s'est lié d'amitié avec les Schiffrin. (...) Malgré leur réelle attirance, il trouve leurs façons avec lui, il ne sait comment dire, à la fois Dostoïevski et aussi un peu sémites.» Pendant à peu près un quart de siècle, Gide fera ainsi preuve envers Jacques Schiffrin d'une sorte de paradoxal antisémitisme affectueux.

En 1931, paraît le premier volume (c'est Baudelaire) de la «Bibliothèque reliée de la Pléiade» que Gide apprécie tant qu'il va se démener pour que, deux ans plus tard, Gaston Gallimard adjoigne la collection à son catalogue, avec Jacques Schiffrin comme directeur. En 1936, malgré les conseils d'Aragon, Gide se fait accompagner de l'éditeur qui par