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Terre d'Espagne

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Expulsée de Saint-Germain-des-Prés, la librairie antifranquiste née en 1948 trouve asile à Montparnasse.
publié le 7 avril 2005 à 1h35

Sise au 72, rue de Seine, au coin de la rue Clément, la Librairie espagnole, créée en 1948, aura été bien plus qu'une simple librairie : le rendez-vous des dissidences antifranquistes et «la capitale hispanique de la liberté d'écrire», comme l'a écrit Claude Couffon. L'inflation des prix immobiliers, qui mine Saint-Germain, a eu raison à la fin de l'année dernière de cette institution mythique, mais elle redémarre aujourd'hui à Montparnasse.

Emigré de la guerre civile, Antonio Soriano, son fondateur, s'était d'abord établi à Toulouse avec sa femme, Dulcinea Domenech Soriano. Monté à Paris à la fin des années quarante, il est hébergé chez la belle-soeur de Buñuel, et partage d'abord boutique avec les animateurs de la librairie du 78, rue Mazarine, avant d'installer son enseigne, en 1950, derrière les vitrines en angle de la bientôt fameuse esquina de la rue de Seine. Au début, ses livres en langue originale semblent surtout destinés aux hispanisants français (professeurs et étudiants) et aux exilés espagnols, mais sa réputation franchit vite les Pyrénées. Soriano publie des livres avec Ruedo Iberico (autre illustre entreprise hispanophone de l'époque, montée par Pepe Martinez) et s'approvisionne en livres mal pensants chez Grijalbo (grand éditeur mexicain). Sa librairie a tôt fait de devenir un lieu de ralliement pour les intellectuels d'Espagne, qui s'évadent à Paris le temps de se fournir chez lui en titres mis à l'index par la dictature. Dans les années soixante/soixante-di