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Libération

Dis-moi, Céline

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Philippe Roussin, historien de la littérature, a travaillé sur Ponge, vu Burroughs et lu les pamphlets céliniens sans tranquillité.
publié le 14 avril 2005 à 1h46

Philippe Roussin est un grand garçon mince de cinquante ans qui semble vivre en permanence dans l'oeil d'un cyclone littéraire. Il est à la fois tendu, rajeuni et affûté par les livres qu'il a lus. Ils le possèdent, l'envahissent comme une broussaille tantôt enchantée, tantôt menaçante. Quand il parle, des citations lui tombent régulièrement dessus. Elles interrompent sa phrase, son idée, son raisonnement, pour l'aiguiller vers une voie secondaire qui, finalement, bien plus tard, le ramènera peut-être vers une gare de destination.

Il a lu en bibliothèque les pamphlets antisémites de Céline, «ce n'est pas une lecture qui vous aide à vous endormir» ; mais il a refusé de les acheter chez un bouquiniste, où ils se vendent cher, souvent dans de fausses éditions originales. «Et je suis contre leur republication, explique-t-il. A ceux qui sont contre la loi Gayssot, je demande toujours quel type de pulsions cette loi leur interdit. La seule manière de publier ces pamphlets serait d'en effectuer une édition scientifique, mais ce serait leur donner une caution exagérée. Ceux qui veulent les lire n'ont qu'à faire comme moi, aller en bibliothèque.» Les citer n'allait pas davantage de soi : «Ils ont donné tellement de plaisir à l'époque à ceux qui les ont lus qu'on se demande toujours ce qu'on fait lorsqu'on les cite.»

Originaire de Valence, Philippe Roussin entre à l'université de Lyon au moment où Robert Faurisson, «qui n'avait encore écrit que sur Rimbaud», vient d'y être nommé comme p