Quand, depuis Tartu en Estonie, la nouvelle de la mort de Youri Mikhaïlovitch Lotman parvient à Moscou en octobre 1993, elle attriste Olga Sedakova mais ne la surprend pas. Après la disparition de sa femme, trois ans plus tôt, Lotman avait dit qu'il ne lui restait à vivre qu'un «épilogue». Le décès de cette haute figure de l'intelligentsia est-européenne n'est donc pas tragique. Sous le titre Voyage à Tartu & retour, Olga Sedakova, l'une des voix plus élevées de la poésie russe, raconte le voyage qu'elle fit (avec beaucoup d'autres) à Tartu pour assister aux funérailles. Jamais larmoyant (ce n'est pas le genre de la maison Sedakova), ce récit ourlé de vers aimés, s'avère tapissé de tendresse et ponctué de fous rires. Plus profondément, il tisse le linceul d'une époque. Celle de la fin des années 60 et des années 70 où chercheurs et créateurs non officiels de ces années brejnéviennes se retrouvaient dans des sous-sols de Moscou, Leningrad ou Saratov et, souvent l'été, à Tartu (alors ville d'URSS) dans un de ces séminaires de sémiologie (mais ce mot recouvrait bien des choses) organisés par Lotman et son équipe.
Après la mort de Staline, en ces années du «socialisme tardif» comme écrit Sedakova, l'étau s'est quelque peu desserré : se rassembler est mal vu mais ne conduit plus systématiquement au goulag. Ecrire de la poésie qui tourne le dos aux normes conduit à ne jamais être publié mais plus en prison. En 1978, Sedakova avait déjà publié cinq recueils dans le Samizdat (les é