Quand on s'allonge dans l'herbe pour contempler les nuages, on finit par leur ressembler. On se défait. On se refait. On entre dans les fluides de formes décomposées, recomposées. Les nuages poussent leurs plis à l'infini, pli sur pli, pli selon pli. Ils caressent nos limites et notre défaut d'imagination. Stéphane Audeguy n'en manque pas. L'idée de son premier roman, la Théorie des nuages, lui est peut-être venue comme ça, dans une prairie, visage tourné vers le ciel. Il y a perçu et ressenti ce qu'il invente.
Une jeune bibliothécaire à l'existence morne, Virginie Latour, est détachée en 2005 auprès d'un grand couturier japonais, Akira Kumo. Celui-ci semble né en 1946 à Hiroshima. Il vit dans un hôtel particulier parisien. Akira Kumo est en partie inspiré par Issey Miyake, né en 1935 dans la ville atomisée. C'est un collectionneur. La jeune femme doit organiser ses possessions. Elle doit surtout l'écouter. Passionné par les hommes qui ont observé et classé les nuages, Akira Kumo lui raconte peu à peu leur histoire.
Le premier est Luke Howard, un quaker anglais. C'est lui qui a nommé les principaux nuages dans un livre paru en 1803. Stéphane Audeguy l'imagine de l'intérieur, lui fait vivre des péripéties, mais le modèle a bien existé. Né en 1772, mort en 1864, chimiste et homme d'affaires, le quaker Luke Howard était un météorologiste amateur. Ses travaux influencèrent Goethe, mais aussi les peintres Constable et Turner. C'est un observateur qui rêve les formes qu'il nomme. Co