Heinrich August Winkler explique en quoi la réunification des deux Allemagne en 1990 peut modifier le regard que l'on porte sur l'histoire de l'Allemagne, et notamment sur la période qui a précédé l'arrivée de Hitler au pouvoir.
Que voulez-vous dire avec le sous-titre de votre livre, «La longue route vers l'Occident» ?
L'Allemagne appartient historiquement à l'Occident et a même contribué culturellement à lui donner son empreinte. Et pourtant l'élite allemande au XIXe et au début du XXe siècle a fait barrage contre les idées politiques de l'Ouest, et notamment contre l'idée de démocratie parlementaire. La République de Weimar a échoué parce que beaucoup d'Allemands ont assimilé la démocratie à la forme d'Etat des vainqueurs de la guerre de 1914-18. Ils ont cru qu'elle n'était pas compatible avec l'esprit allemand et lui ont préféré un Etat autoritaire, seul capable, selon eux, de protéger la «culture» allemande contre une prétendue «civilisation» matérialiste incarnée par l'Ouest.
Ces préjugés furent le premier pont entre les Allemands cultivés et Hitler.
C'est seulement après la grande catastrophe du national-socialisme que ce ressentiment anti-occidental de l'élite a cessé d'exister. Comme a pu le constater Jürgen Habermas, l'ouverture sans réserves de l'Allemagne à la culture politique occidentale a été le plus grand succès intellectuel de l'après-guerre. Ce n'était pas si évident, car, dans les années cinquante, les partis de gauche contestaient une telle option. Et puis il