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Libération
Critique

Bon comme la lune.

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L'odyssée de l'espèce d'Arno Schmidt, l'Allemand sidérant.
publié le 12 mai 2005 à 2h09

Il aura fallu deux ans à Claude Riehl pour traduire Kaff auch Mare Crisium, adapté en On a marché sur la Lande. C'est l'un des chefs-d'oeuvre d'Arno Schmidt, un livre total, acide et drôle. Le roman a paru en 1960, alors que Schmidt venait de s'installer dans sa maison de bois de Bargfeld dans la lande de Lunebourg, qui deviendra sa chambre d'écriture et le sanctuaire de son oeuvre.

Dans une Isetta, «oeuf roulant», Karl Richter et Hertha Theunert sont en route pour la campagne de l'Allemagne du Nord où le couple cherche à s'installer. Karl a passé son enfance à Giffendorf chez la Tante Heete qu'ils vont visiter. C'est l'archétype de la tante à la fois chaleureuse et insupportable. Violée pendant la guerre, Hertha, la jeune Silésienne, repousse avec terreur les assiduités de Karl. Karl, hanté lui aussi par ses années de camp, fait le clown, parle, ne fait même que parler. Pour la distraire de son ennui, il imagine une histoire. Elle aura lieu bien plus tard, dans les années 1980, après que la Terre a été atomisée par les Américains et les Russes. La guerre froide s'est terminée par la destruction du globe. Grâce aux fusées interplanétaires, des colons américains et soviétiques se sont installés sur la Lune pour sauver «culture» et «civilisation». Chacun a même emporté, en plus du chewing-gum et de la vodka, son poète pour composer Le Nouveau Grand Roman Epique National. Sous leurs coupoles de verre, fumant leurs dernières cigarettes, les nouveaux sélénites jouissent de la sati