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Interview

Black out.

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Chronique d'un hôpital fantôme dans une petite ville d'Afrique du Sud où l'apartheid se porte bien. Entretien avec Damon Galgut.
publié le 19 mai 2005 à 2h14
(mis à jour le 19 mai 2005 à 2h14)

A vrai dire, on ne sait pas qui est le docteur irréprochable. Est-ce Frank, échoué dans cette ville fantôme depuis des années, apathique et cassé par la faillite de son mariage, à moins que ce ne soit par les actes qu'il a été obligé de couvrir pendant son service militaire ? Ou le jeune Laurence, insupportable d'enthousiasme maladroit et de bonne conscience aveugle ? L'un et l'autre errent dans un hôpital planté au milieu d'un désert des Tartares africain. Autour d'eux, occupés à des activités incompréhensibles, une chef de service aussi incompétente dans son métier que virtuose dans le maniement de la novlangue du nouveau régime (quand elle dit «innovation et changement», on est sûr que rien ne bougera), un faux infirmier absentéiste et délinquant mais mystérieusement protégé, et deux médecins cubains qui appliquent la même cécité hypocrite au régime de leur pays, au fonctionnement de l'hôpital et à l'état de leur couple. La couleur de peau des personnages n'est jamais donnée au lecteur, de même qu'elle n'est jamais évoquée par les protagonistes, mais elle a le potentiel de nuisance d'une grenade dégoupillée. Un docteur irréprochable est le cinquième roman de Damon Galgut, un écrivain sud-africain âgé de 42 ans.

«Un docteur irréprochable» est-il un roman post-apartheid ?

L'Afrique du Sud est dans une période de transition entre un passé sombre et un avenir imprévisible. Un docteur irréprochable se situe dans cet espace entre passé et avenir, représenté par cet endroit étrange, une ex-capitale de homeland que j'avais vue à la télévis