Jemelle envoyé spécial
Le 23 mai 1940, une balle perdue abat le soldat Paul Nizan sur le palier du château de Cocove, à Recques-sur-Hem (Pas de Calais). Nizan a 35 ans. Il a quitté le Parti communiste, dont il était depuis douze ans un membre actif et dans la ligne, quelques jours après l'annonce du pacte germano-soviétique. Avec Aragon, il en était l'un des éperons intellectuels. On ne lui pardonnera ni son engagement, ni sa démission. Il a écrit sept livres et environ huit cents articles, essentiellement dans la presse communiste française ou étrangère. Anne Mathieu les a recensés et commence aujourd'hui leur publication. Elle s'étalera sur quatre tomes (lire ci-contre). Nizan avait aussi débuté un huitième livre, un roman : la Soirée à Somosierra. Quand il meurt, le manuscrit se trouve dans ses affaires.
L'écrivain était interprète auprès de l'armée anglaise. Son régiment faisait halte près du château, sur la route de Dunkerque, lorsqu'il fut surpris par une attaque allemande. Pendant une accalmie, Nizan rejoint la demeure pour vérifier si la famille qui l'habite est sauve. C'est à ce moment qu'il est tué. La comtesse de Coëtlogon écrira plus tard à la veuve de l'écrivain, Henriette, qu'il est mort dans ses bras. La comtesse garde la montre, la cravate et le livret militaire de Nizan. Mais elle craint que le manuscrit de la Soirée à Somosierra ne soit pris par les Allemands . Le sergent Hutchings, un Britannique proche de Nizan, prend donc les carnets. Mais il est fait pris