S'inspirer du réel pour ses romans, rien de plus naturel. Si ce n'est que là, Yu Miri s'est vu interdire la publication de son livre par la Cour suprême japonaise pour atteinte à la vie privée. La romancière et dramaturge, née en 1968 au Japon de parents d'origine coréenne, aurait décrit de manière trop appuyée la tache de naissance d'un personnage qui existe dans la vraie vie. Mais ce «poisson sur le visage», nævus qui certes défigure Rifa, l'amie coréenne, alter ego de Hiraka, femme de théâtre nippo-coréenne comme l'auteur, n'était pas peut-être pas à prendre si littéralement que ça. Dans la version modifiée ici traduite -, où la monstrueuse marque est décrite en creux par l'effroi dans le regard d'autrui, on devine que le véritable stigmate c'est peut-être d'être coréen au Japon.
Hiraka est une zainichi, une étrangère «de l'intérieur», «une immigrée», à savoir une Coréenne. N'empêche, la voilà, semble-t-il, intégrée : elle ne parle que le japonais, connaît un certain succès grâce à ses pièces, sort avec un metteur en scène célèbre. Le pays du Matin calme n'est pas tant le mythe de la patrie que la réalité des problèmes familiaux. Le coréen, c'est la langue des engueulades entre le père et la mère... Elle constate : «Mes parents, arrivés en cargo après avoir abandonné tout espoir à propos de leur pays, ne peuvent faire autrement que continuer à fuir jusqu'à la mort.» Elle n'est pas eux. Quoi qu'il en soit, une fois invitée à «retourner» en Corée à l'occasion de la traduct