Il y a plusieurs portes pour entrer dans Greffe de spectres. On en franchit une première série dès le début du livre, comme une saccade de panneaux avertisseurs. On lit d'abord : «à Jean-Jacques Viton». Lui, on le connaît, c'est le complice. Avec Liliane Giraudon, à travers les revues Banana Split et If, au Centre international de poésie de Marseille, ils veillent depuis vingt-cinq ans aux destinées d'une littérature sans matière grasse. Page suivante. Citation : «"Autrefois les dessins d'un livre éclairaient les mots, maintenant ils les obscurcissent." A. Kroutchonykh» Le «maintenant» dont parle Kroutchonykh est d'autrefois, du temps des futuristes russes et de la langue «zaoum». Alors le maintenant de maintenant ? On tourne, ça se précise : «A partir de maintenant c'est maintenant.» Puis : «Un coeur de jument». Là, c'est le titre de la première nouvelle, qui n'en est pas vraiment une, disons plutôt la première des neuf régions de Greffe de spectres, car la lecture est ici visite ou voyage on explore à chaque coin de ligne.
Commencement : «La première nuit ne tombe pas. Elle la passe les yeux ouverts, à traquer les oscillations de lumière derrière la barrière de pluie. Elle avale des bouchées de rugbraud». Allons bon, qu'est-ce que c'est que ça ? On cherche dans Google. On nous dit qu'il s'agit d'un pain islandais mais aussi : «Essayez avec cette orthographe : roubaud.» De fait, l'idée n'est peut-être pas si mauvaise, car en coupant le rugbraud en deux, on récupère la moit