Jean-Patrick Manchette est mort en 1995, à 53 ans. La réédition de ses romans noirs, avec la publication en sus de quelques documents, vient en son heure. Depuis ses débuts, l’époque de Laissez bronzer les cadavres, cosigné en 1971 avec Jean-Pierre Bastid, et de l’Affaire N’Gustro, premier ouvrage écrit en solo la même année, l’auteur a en effet gardé une réputation exceptionnelle.
«Ce qui était le plus remarquable, c'est le culot avec lequel (il) abordait des thèmes invisibles dans la littérature française anesthésiée de l'époque», se souvenait Didier Daeninkx en 1997 dans la revue Polar (1). Et l'auteur de Mort au premier tour d'ajouter : «Il m'a donné envie d'écrire dans le sens de mettre les pieds dans le plat.» Jean-Bernard Pouy (la Belle de Fontenay, Spinoza encule Hegel...) explique dans la même revue : «Tout de suite les romans de ce monsieur m'ont persuadé qu'enfin il y avait une veine neuve francophone contemporaine du polar, hors pigalleries, crypto-pastiches à la Malet, récits distanciés ou bien paraphrénies confabulantes (2) à la Vautrin...»
Donc Manchette débarque et casse la baraque. Il met au centre de ses intrigues des personnages, militants du tiers-monde, soixante-huitards, activistes anarchistes, cadres paumés, qui tout en étant les vedettes des années 60 et 70, n'ont pas encore fait effraction dans le roman noir. Les protagonistes de Laissez bronzer les cadavres (1971) sont ainsi trois membres d'une communauté gardoise, babas pas trop cool, qui braquent un