Il est moins question du Diable dans le nouveau roman de Roszak que de l'infernale mais efficace connerie déployée par les minorités fondamentalistes qui entendent aujourd'hui imposer leurs vues et leur morale au reste mou de l'Amérique du Nord. Alors qu'en France on s'arme de traités d'athéologie (Onfray), Roszak est conscient qu'il est un peu tard chez lui et revêt carrément l'armure de la satire. En 1972, il avait pourtant publié un livre d'essais sur la spiritualité comme salut au marasme politique et moral qui s'annonçait, où il plaidait pour «le sens du divin, sans la religion». Mais son roman virulent indique qu'il a changé de priorités, combattant la vérole par la vérole.
Daniel s'appelle Silverman, peut-être pour faire un irrévérencieux pendant au The Devil and Daniel Webster de Stephen Vincent Benet (vieille châtaigne littéraire qui nous avait donné Walter Huston en «Mister Scratch» mémorable), mais surtout parce que Silverman est avant tout juif, romancier, et sodomite. Pas spécialement dans cet ordre, mais c'est en tout cas la raison pour laquelle il est invité à faire une conférence, un soir de Saint-Sylvestre, dans un obscur collège religieux dans le nord du Minnesota, Faith College. Rien, sinon le cachet royal de 20 000 $ net de commission offert par son agent, ne saurait arracher Silverman à son cocon de San Francisco et aux bras de son copain Marty. Il aurait pourtant dû se douter du traquenard : l'année précédente, Gore Vidal avait été payé la même somme pou