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Critique

C'était Onan

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Secrète, solitaire, incontrôlable: la masturbation serait-elle la véritable sexualité du moi moderne ? Une étude de l'Américain Thomas Laqueur.
publié le 2 juin 2005 à 2h26

Thomas Laqueur est très sérieux (et mi-moqueur) quand il affirme, trichant en peu, que la masturbation moderne prend son essor en 1710, l'année où paraît Onania, un ouvrage anonyme qu'il attribue désormais au médecin et pornographe anglais John Morten. Dans ces eaux-là, sinon cette année même, ne s'inventent évidemment pas de nouvelles pratiques de jouir de manière autarcique mais sûrement un nouveau discours (dont l'Onanisme de Samuel Auguste David Tissot est l'apogée) posant la masturbation comme un problème gravissime ­ ce qui n'était pas le cas auparavant. De tout cela traite le Sexe en solitaire. Contribution à l'histoire culturelle de la sexualité, des raisons pour lesquelles un exercice sexuel aussi vieux que l'homme, voire l'animal, devient un vice, le vice de la modernité par excellence. Comme Thomas Laqueur l'avait déjà montré dans la Fabrique du sexe (Gallimard 1992), les Lumières y sont intimement impliquées, où le sexe des anciens, socialement déterminé mais relativement vague sur le plan biologique, laisse la place à deux sexes, le fort et le faible justement, dont la science se charge de démontrer les fondements biologiques. Face à cet inédit partage sexuel, la masturbation s'affirmait comme une sexualité transsexuelle, égalitaire, et pour tout dire démocratique quoique individualiste, très nocive pour la santé et dangereuse pour l'ordre social ­ qu'il s'agissait de combattre à tout prix.

Aux temps anciens, la masturbation ne posait pas de problèmes insurmontab