Né en 1905, la même année que Sartre ou Aron qu'il fréquenta l'un et l'autre, mort en 1983, Arthur Koestler est sans doute l'une des figures les plus exemplaires de ce court XXe siècle, qu'il vécut comme un nouvel «âge des ténèbres». Multipliant les engagements et les ruptures, associant pessimisme radical et recherche éperdue d'absolu, son parcours semble en effet traverser les tourmentes de l'ère totalitaire et faire corps avec lui. Juif hongrois pétri de culture germanique, il décide à vingt ans de rompre avec son milieu d'origine, gangrené par l'antisémitisme, pour rallier l'aventure sioniste dans le kibboutz de Heftseba. Mais l'expérience tourne court. Il comprend rapidement qu'il n'est fait ni pour la «vie monastique», ni pour l'héroïsme pionnier, et se met à douter d'un projet qui peut conduire au «ghetto culturel». Il végète à Haïfa et Tel-Aviv, se lie avec Jabotinski, débute dans le journalisme, mais réalise surtout que son destin est en Europe. En 1929, il se retrouve donc à Paris comme correspondant du groupe de presse Ullstein, et en 1930 à Berlin où il assiste à l'agonie du régime de Weimar sous les assauts de la crise et du nazisme. C'est là qu'il adhère au Parti communiste, dans lequel il voit, comme tant d'autres, le seul idéal et le seul rempart possible contre le fascisme.
Sept ans durant, il sera donc passionnément communiste. Ni la collectivisation forcée, ni la Grande Famine dont il est le témoin lors d'un séjour en Ukraine n'entament sa foi pour ce qui d