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Critique

Mémoires arméniennes

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Quatre ouvrages sur le génocide de 1915 montrent comment les massacres furent planifiés par l'Empire ottoman.
publié le 2 juin 2005 à 2h26

Le martyre des populations arméniennes de l'Empire ottoman a commencé au moins vingt ans avant les déportations et les tueries systématiques de 1915-1916 qui firent au moins un million de morts. Les historiens s'accordent à dire aujourd'hui que ce fut le premier génocide du XXe siècle. Même en Turquie, le tabou se fissure et une partie des intellectuels commencent à examiner cette page sombre du passé alors qu'Ankara ne reconnait officiellement que 350 000 victimes et nie le caractère planifié du carnage. Parmi les nombreux livres publiés à l'occasion du 90e anniversaire du génocide se détache notamment le récit de Victor Bérard (1864-1931). Ce brillant helléniste, fin connaisseur de l'Empire ottoman, raconte la genèse dans les années 1890 quand commencèrent les massacres aussi bien en Anatolie orientale qu'à Istanbul de cette population chrétienne jusque-là plutôt privilégiée dans l'administration impériale et appelée «la nation fidèle». Alors que la Russie avançait ses pions en Transcaucasie et que naissaient les premiers groupes nationalistes révolutionnaires arméniens, le paranoïaque sultan Abdul-Hamid II lança les persécutions.

L'écrivain français dresse un extraordinaire portrait de cet autocrate sanguinaire, «devenu sultan par la grâce du meurtre et des complots», vivant perpétuellement dans la peur «qui l'a rendu prudent et réfléchi, finassier et cauteleux». Victor Bérard, qui connaît bien la capitale de l'Empire, enquête sur les tueries de 1896 et note : «Les massacr