Avant tout, c'est une grande joie de voir traduit, seize ans après sa mort, un nouveau livre du géant autrichien, fût-il bref. D'autant que ce n'est pas un fond de tiroir, ou un recueil composé par d'autres. C'est un vrai texte de Thomas Bernhard, paru en allemand en 1980, c'est-à-dire, dans l'oeuvre romanesque, entre Oui et Béton. Pourquoi n'a-t-il pas été traduit auparavant ? C'est un peu mystérieux. Il semble que le texte avait été plus ou moins égaré chez Gallimard, qu'on avait oublié de s'en occuper. Quoi qu'il en soit, on ne peut aujourd'hui que se féliciter de ces circonstances inhabituelles qui permettent au lecteur français de découvrir un inédit de cette envergure.
Le texte a un narrateur mais le personnage principal en est Koller dont, suivant le procédé bernhardien, le narrateur rapporte les actes et les propos. Comme de nombreux autres personnages de l'Autrichien, il a un livre en préparation, une Physiognomonie des «mange-pas-cher», quatre hommes avec qui Koller s'est lié et qui choisissent systématiquement les plats les meilleur marché pour leurs repas. Ce travail ne s'est pas immédiatement imposé comme une évidence à Koller, il a fallu qu'un jour il choisisse un chemin différent. Cela n'alla pas sans ennuis, puisque, ce faisant, il rencontra un chien et c'est pourquoi il s'est retrouvé infirme et pourvu d'une jambe artificielle, mais ce fut la chance de sa vie. Il y a un lien évident entre les Mange-pas-cher et l'oeuvre autobiographique de Bernhard. La Cave, l