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Libération
Critique

Une femme invertie en vaut deux

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Le «Journal» de Mireille Havet, figure du Paris lesbien, cocaïné et enfumé, des années vingt.
publié le 2 juin 2005 à 2h26

Sous une lunaire couverture bleue aux caractères argent, était publié il y a un an le premier volume du Journal de Mireille Havet (1898-1932). Ce fut une révélation. Consacré à une seule année cruciale, 1918-1919, première année de paix à Paris, il marquait au coin d'une certaine euphorie, la découverte d'une écrivaine «hors du placard». Ce vigoureux anachronisme dit simplement la stupéfaction de lire aussi clairement l'homosexualité, sinon assumée (encore un mot injuste) du moins affichée, de l'auteure du Journal et de vérifier à chaque page sa certitude tranquille quant à ses désirs, les plaisirs du corps et les désarrois du coeur. Le deuxième volume, celui des cinq années suivantes, 1919-1924, est nettement moins gai. Non que les pulsions de Mireille Havet se fassent moins claires. Au contraire, elles sont toujours là, de plus en plus fortes et précises, de plus en plus figuratives. Elles deviennent l'obsession majeure, contradictoire, tordue entre l'envie d'aimer une seule et le désir de faire mal en aimant toutes les autres. L'autre objet de ce Journal est l'écriture et le troisième, qui va tout envahir de ses vapeurs entêtantes, c'est la drogue. Généreuse trilogie, qui peu à peu décharne le texte d'autres préoccupations.

A la suite de son premier et semble-t-il majeur, chagrin d'amour (dont les heurs et malheurs sont narrés dans le premier volume) avec Madeleine, comtesse de Limur, 39 ans, mariée, qui la planta toute seule à l'attendre dans un hôtel du mont Dore, Mireil