Monika et Robert sont venus de New York, Ania et Tania de San Francisco, Pietia et Lena de Moscou, Deborah de Stockholm, Nina, Piotr, Marta et Asia de Varsovie, Joanna, Kasia et Maria de Cracovie... Quinze personnes n'ont pas répondu à l'invitation, dont la branche parisienne de la famille. En avril 2001, vingt-six descendants de Gustaw Horwitz, fils d'un grand rabbin viennois, et de Julia Kleinmann, fille d'un riche marchand varsovien, se sont ainsi donné rendez-vous en Toscane pour célébrer les retrouvailles d'une famille dont l'histoire illustre à elle seule tous les soubresauts du XXe siècle.
Attablés devant un plat de macaronis, certains font connaissance, cinq langues s'entrecroisent. «Je cherchais des traces perdues, j'ai découvert des sentiments. J'évoquais des ombres, ce sont des vivants qui m'ont répondu», écrit Joanna Olczak-Ronikier.
Pendant longtemps, elle était restée sans savoir que faire des deux corbeilles en osier où elle avait entassé sans les lire les lettres, les photos, les carnets intimes laissés par sa mère et sa grand-mère décédées dans les années 60. Lors de ses déménagements, cela l'embarrassait mais elle ne se décidait pas. «On était encore trop près du massacre des Juifs, écrit-elle, en comparaison, les souvenirs antédiluviens paraissaient trop futiles.» A sa mort, son père lui laisse le testament de sa mère sous l'Occupation. «Je compris alors l'appel du Talmud : si ce n'est toi, alors qui ? Si ce n'est maintenant, alors quand ?»
Joanna Olczak-Roni