Un non démocratique écrasant vient de rejeter le projet constitutionnel européen dans deux des Etats fondateurs de l'Union européenne, à l'occasion de référendums ayant connu une participation élevée. Jean-Claude Juncker a trouvé des mots avisés pour commenter la «plus grande catastrophe raisonnablement envisageable» qui était susceptible de toucher l'Europe : «Il faut constater que l'Europe ne fait plus rêver, a-t-il déclaré après le rejet de ce texte. On n'aime pas l'Europe telle qu'elle est et, par conséquent, on rejette l'Europe telle qu'elle est proposée par le traité constitutionnel.» Ce diagnostic passe toutefois un élément sous silence : le fait qu'une Constitution illisible n'est guère excitante pour l'imagination. Il est vrai que si ce projet est illisible, cela tient d'abord à cette raison triviale : il s'efforce de conserver tout en y mettant un peu d'ordre le maquis des traités internationaux existants, au lieu de se borner à présenter, comme toute véritable Constitution, un ensemble transparent de normes fondamentales. Mais il y a, derrière cette difficulté de lecture, une raison plus profonde : l'absence d'une perspective à partir de laquelle les gens pourraient comprendre pourquoi l'Europe a désormais besoin d'une Constitution.
Au lieu de détourner les élections européennes à des fins nationales, il fallait saisir l'occasion qu'elles offraient pour ne pas seulement implorer une «finalité» pour l'Europe, il fallait créer, autour de ce pour quoi nous voulons l'u