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Libération

Kiki et Proust.

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publié le 9 juin 2005 à 2h32

Ce ne sont certes pas les mêmes mondes que fréquentèrent Kiki et Proust, pas le même univers temporel (Kiki est née Alice Prin en 1901 et morte en 1953, Proust est né en 1871 et mort en 1922) ni social. Mais il y a quelque chose d'intéressant à mêler les Souvenirs retrouvés de l'une et ceux d'un éphémère ami sur l'autre que réunissent d'ailleurs une inattendue façon de resurgir à la surface. «Si vous voulez des livres composées par des ladies, voici un livre écrit par une femme qui n'a jamais à aucun moment été une lady ; pendant dix ans, elle a été, dans la mesure où notre époque le permet, ce qu'on appelle une Reine, c'est très différent, bien sûr, que d'être une Lady», écrit en 1929 Hemingway, lorsque paraît la première version des Souvenirs de Kiki, élue cette année-là «reine de Montparnasse», tant elle rayonne dans le monde de la bohème de l'époque, artistes et écrivains (les personnages du livre de la modèle de Man Ray sont aussi Desnos, Modigliani, Foujita, Kisling et les surréalistes). En 1938, elle rédige une nouvelle version dont la guerre retarde la publication, puis qui n'intéresse plus après. «Le manuscrit accompagné de ses photographies disparaît alors dans l'une des plus impénétrables cachettes de Paris pendant cinquante ans, au milieu de mille cartons, avec une simple mention sur une étiquette de bristol : "Infiniment précieux"», écrit mystérieusement Serge Plantureux à la fin de sa préface à ces Souvenirs retrouvés qui paraissent aujourd'hui.

Bâtarde, élevée