Du dépôt d'une gerbe de fleurs à la femme du soldat inconnu, plus inconnue que lui, beaucoup se souviennent ; certains y voient même l'acte de naissance du Mouvement de libération des femmes. Mais qui se souvient des actions menées sans relâche par une poignée de convaincues qui rêvaient de transformer les rapports de sexes pour changer la société ? Emergent, au mieux, le Manifeste des 343 «salopes» et le procès de Bobigny. Mais qu'évoquent aujourd'hui le FMA (Féminin, Masculin, Avenir), «les journées de dénonciation des crimes contre les femmes», les Mille et Une, ou encore la Ligue du droit des femmes, la Millénaire, le Bateau pour Alger, le foyer Flora-Tristan pour femmes battues, SOS Femmes alternatives ?
Anne Zelensky, dite Tristan, fut de tous ces combats, souvent initiatrice, toujours partante, sans cesse battante, parfois simple porte-drapeau, plus souvent encore porte-fardeau. C'est ce grand écart entre une vie consacrée à la lutte des femmes et son immédiat effacement mémoriel qui transforme ce document autobiographique en une source historique du militantisme féministe. Il se distingue de tout autre combat sociopolitique par la confusion identitaire entre son acteur et sa cause, et par le maillage serré qu'il tricote entre vie privée et vie publique : combat collectif pour les femmes, féminisme bien ordonné commence par lui-même.
Jamais le lien entre femme et féminisme ne fut aussi prégnant que dans les années Libération. Effet de l'étouffement séculaire, de la non-