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Libération
Critique

«Il était mille et une fois...»

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Venues d'Inde et de Perse, «les Mille et Une Nuits» sont devenues le texte premier de la littérature arabe. Nouvelle traduction.
publié le 23 juin 2005 à 2h43

Nuit après nuit, Shahrazad a raconté pour sauver sa propre vie et la vie des femmes du royaume ; nuit après nuit, elle a retenu la main du bourreau, en maintenant toujours renouvelé le désir qu'avait le roi Shahriar d'entendre ses mots autant que de connaître son corps. Jusqu'à la mille et unième nuit où, ayant donné un fils à Shahriar, mais surtout, ayant dénoué chez lui le lien funeste entre amour et meurtre, elle a vu la sentence de mort annulée et a été reconnue comme épouse et reine. Avant d'être une histoire qui finit bien, Les Mille et Une Nuits sont d'abord la chronique d'un serial killer, un Barbe-Bleue oriental qui tue les femmes qui ont le malheur de partager sa couche. Comment ce récit terrifiant est-il devenu synonyme de féerie somptueuse, évoquant l'Arabie heureuse, les parfums, les jardins, la beauté, le corps des femmes, et des hommes, et la danse des sept voiles, c'est un des innombrables mystères qui entourent ce texte.

Des Nuits, les lecteurs français connaissent généralement les histoires d'Aladin, de Sindbad et d'Ali Baba. Sauf que ces contes qui résument et symbolisent pour nous une oeuvre de 4 000 pages n'ont rien à voir avec les Nuits. Ou plutôt, ils n'avaient rien à voir : ils ont été introduits dans le texte lors de sa première traduction de l'arabe en 1704, en l'occurrence par le Français Antoine Galland. Précisons que ces trois contes ont acquis une telle légitimité qu'ils ont été intégrés dans les versions arabes ultérieures. Toute l'histoire des