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Libération
Critique

Les petites reines de Paris.

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Un essai sur l'homosexualité féminine de la capitale à l'orée du XXe siècle.
publié le 23 juin 2005 à 2h43

Accouplée, ange, attelage, clitoride, enflée, gosselin, gousse, marchande d'ail, vrille... dans le parler parisien de la fin du XIXe siècle, les mots ne manquent pas pour désigner les adeptes des amours entre femmes. Les mots se bousculent même, ils contredisent par leur seule existence la mémoire pudibonde de l'Histoire : elle se plut longtemps à faire du lesbianisme un phénomène insignifiant et invisible, quand, à l'évidence, rappelle l'auteur, ces femmes-là se donnaient à voir, malgré les interdits et les critiques. La richesse du vocabulaire, qui n'a pas toujours résisté au temps et moins encore à l'évolution des moeurs, dessine deux images de l'homosexuelle : comme la vie de Sapho, sans cesse tiraillée entre la figure positive de la poétesse et celle négative de la femme libre de moeurs, l'homosexualité féminine fascine et séduit ­ fût-elle en fleur du mal baudelairienne ­, tout autant qu'elle effraie et dégoûte ­ l'argot remplaçant là la poésie. Aussi dans cet étonnant champ lexical, comme dans des romans, sortis de l'oubli par cette étude plus littéraire qu'historique, les désignations qui caricaturent et salissent les pratiques amoureuses l'emportent, car la peur d'une défaite du monde hétérosexuel, et donc de la domination masculine, dépasse la fascination éprouvée pour ces «femmes-hommes».

La peur tourne au ridicule quand l'homophobie, qui confond toute femme libérée avec une lesbienne, se fixe sur les vélocipédistes et voit en elles «un troisième sexe» : il se sera