«Il serait trop connard de me brûler le sang et la vie...» C'est pourtant ce qu'il fit, sans élégance et avec une régulière forfanterie. Paul Verlaine n'est ni gentil, ni fiable, ni cohérent, ni d'humeur égale, et il n'a pas écrit ses lettres pour la postérité : autant de bonnes raisons pour lire le premier tome aujourd'hui publié de sa correspondance. Une raison supplémentaire (et sans doute la première) est de sentir palpiter le vilain bonhomme dans toute la négligence et l'oreille de son style. Vers la fin de sa vie, il boitait ; sa parole épistolaire l'a devancé : délivrée du vers, elle en est l'envers la carcasse naturellement dégradée. Insouciante, agressive, précieuse, archaïque, souvent tout à la fois, presque toujours potache, elle frémit face au monde «comme un archet frivole». Verlaine, le céleste ivrogne à l'ouïe d'or, entend double. Son archet plonge dans un mélange de nectar, d'urine et d'absinthe que les reflets déforment et désorientent : vers le ciel ou le caniveau, vers le passé ou l'enfance, vers la province ou l'étranger.
L'ardennaise, l'anglaise, la médiévale, l'hugolienne, la parnassienne, la collégienne, la rabelaisienne, la latine, toutes les musiques populaires, érudites et néologiques entrent dans son jargon quotidien sous forme d'apothéose ou de parodie. Il médite de «badines vinginces» et réclame le «silince». Il «voillage vertigineusement». Il cherche «les nuinces du khoeur humain». Tel écrivain est par lui «piédanculifié». Un perchoir est un