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Critique

Nouveau nouveau monde

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La surmodernité comme migration dans le temps: un essai impatient, ni rêveur ni pessimiste, de Georges Balandier.
publié le 1er septembre 2005 à 3h29

Né en 1920, sociologue en Afrique et anthropologue chez lui, maître en détours et en contretemps par amour du possible et refus du figé, inventeur en 1957, avec Alfred Sauvy, du «tiers-monde» ­ formule heureuse décalquée sur celle de «tiers état», destinée à un grand avenir et à un passé décevant ­, Georges Balandier ne craint ni les soubresauts, ni les turbulences du devenir de l'homme. Il s'y sent à l'aise, les chérit même et les étudie pour mieux les accompagner. Cependant, bien qu'on puisse les rapprocher des changements en chaîne qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les transformations et autres mutations affectant le monde d'aujourd'hui lui paraissent inédites et incomparables avec celles qui les ont précédées. D'où le Grand Dérangement actuel, titre et matière de son dernier livre. Encore une fois, cette métaphore, comme d'ailleurs toute la démarche de Balandier, trouve son origine dans l'histoire : au XVIIe siècle, en Amérique, chez les Acadiens, qui, émigrant en masse à La Nouvelle-Orléans pour ne pas prêter allégeance à la Couronne anglaise, appelèrent «Grand Dérangement» la fuite d'un monde qui pourtant était le leur et la création d'un autre qui le deviendra. Aussi le grand dérangement actuel est-il un exode et une destination, un arrachement et une promesse, à ceci près que cela ne s'accomplit plus dans l'espace mais dans le temps, puisque les territoires, ces «nouveaux-nouveaux mondes» où elle s'engouffre, l'humanité contemporaine ne les trouve pas dans ce