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Libération
Critique

Aime le mot dit.

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Une lettre d'amour qui cogne à la «peau du ciel», envoyée d'Eurydice à Orphée.
publié le 22 septembre 2005 à 3h47

On prend un groupe de lecteurs. On les oblige à lire Hélène Cixous. On est un peu obligé de les obliger, puisque personne d'autre ne le fait, mais passons, il y a en même qui cachent ses livres pour qu'on ne les trouve pas. Ceci n'est pas un conte. Donc, ils ne l'ont jamais lue, ou très peu, ils la découvrent. C'est un choc, disent ces lecteurs, une révélation. En parlant de l'Amour même..., leurs visages et leurs yeux s'adoucissent, ils sont enchantés, leur âme se prête aux impressions de sa musique et les jeux de son écriture leur causent un ravissement sensible. On ne saura jamais ce qu'ils ont lu, car on n'aborde pas de la même façon une île seule et un archipel, on ne lit pas l'Amour même... au milieu de toute l'oeuvre et comme un livre détaché, on n'habite pas une ville comme ceux qui y sont nés.

Cela se précise et s'affirme : Hélène Cixous est en train d'écrire sa Recherche du temps perdu. On peut prendre chaque texte séparément, mais on y voit des rameaux jetés vers d'autres, boutures, racines profondes, des personnages qui reviennent, un secret qui court de récit en récit, une même narratrice et sa mère. «C'est que j'écris "un livre", explique Cixous dans Rencontre terrestre (1), et que ce livre vient en moi se loger, passant, hôte, être en chair et mots ; et cet être, créature, complexe, composé mais unique, j'en fais la connaissance et la découverte au fur et à mesure qu'il s'avance. Sa part vitale, animale, est très forte. D'ailleurs il se sert de mon corps pour s