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Libération
Critique

Les jolies colonies de la France.

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La République, après avoir colonisé au nom de l'universel, a du mal à assumer son passé.
publié le 22 septembre 2005 à 3h47

Le Royaume-Uni et la France ont ceci en commun que la plus grande partie de leur immigration récente et actuelle provient de leurs anciennes colonies. Cependant la France se distingue de la Grande-Bretagne, et plus généralement du monde anglo-saxon, par une singulière absence de prise en charge de ce passé imposant, qui ne cesse d'empiéter sur l'idée qu'elle se fait aujourd'hui d'elle-même. Aussi trouve-t-on ce déni de l'entreprise coloniale du côté de l'Etat, par ailleurs si sourcilleux sur sa mémoire, de même que chez les historiens patentés, voire dans une opinion publique qui n'en redemande pas. Ici, pas de colonial studies et encore moins de postcolonial studies, comme si l'universalité française consistait avant tout dans son exception. Mais, loin de renforcer l'unité nationale autour d'une France éternelle, cette posture quelque peu myope alimente désormais une concurrence des mémoires qui, en ne faisant du passé qu'un terrain d'affrontement idéologique, le stérilise et lui ôte toute utilité pour orienter la marche du présent. Situation intenable aux yeux de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, de jeunes historiens qui viennent de publier, avec des sociologues, écrivains, anthropologues, la Fracture coloniale. La société française au prisme de l'héritage colonial ­ un véritable manifeste contre cet état des choses.

L'esclavage aux Antilles n'est certes pas le fait de la République mais de l'Ancien Régime, de même que c'est la monarchie de Juillet qui p