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Libération
Interview

«Nous ne sommes que récits»

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Comment Tarun J.Tejpal a mis vingt ans pour trouver le ton de son histoire et l'a écrite en pleine tourmente politique, au milieu des menaces de mort.
publié le 22 septembre 2005 à 3h47

Dans le roman, le narrateur, un écrivain en herbe, se donne une série d'injonctions, parmi lesquelles : «Ecrire à la troisième personne, avec l'omniscience de l'auteur.» C'est exactement ce que vous ne faites pas.

J'étais déterminé à écrire un roman à la première personne parce que je voulais que le lecteur traverse le récit comme dans un voyage, je voulais qu'une intimité soit établie. Mon idée était que le lecteur soit à l'intérieur de ce voyage émotionnel, sexuel, artistique, de manière aussi intime que le narrateur. Et, pour ça, il fallait la voix, très personnelle, qui m'est venue au moment où j'ai commencé le livre.

Le jeune narrateur s'interdit aussi les scènes de sexe «difficiles à réaliser, faciles à dénigrer». Dans votre roman, elles sont très nombreuses.

Il m'a fallu vingt ans pour trouver le ton. Mais cette injonction est ironique bien sûr. La recherche de l'art doit être la recherche de la vie, mais, à ce moment du récit, le narrateur pense surtout à prendre la pose de l'artiste. Il essaie de formuler des règles pour l'art, mais on ne formule pas de règles pour l'art, on vit sa vie, l'art vient ensuite. Cela dit, le narrateur a raison concernant les scènes de sexe : on prend toujours le risque de se rendre ridicule et, 99 % du temps, on se casse la figure. Mais plus encore que le sexe, ce que je trouve difficile à écrire, ce sont les petits gestes de l'amour. C'est incroyablement difficile de restituer la saveur, l'essence des petits gestes et des petits mots de l'