L'émergence du christianisme constitue un dossier décourageant par l'ampleur de la littérature qui lui a été consacrée et la force des présupposés dogmatiques qui l'informent sourdement. Le résultat le plus clair de la recherche moderne a été de souligner la forte imprégnation judaïque des premiers développements de la nouvelle religion... tout en problématisant l'image de ce judaïsme dans les siècles immédiatement antérieurs et postérieurs à l'an 1. Parmi les historiens défricheurs, le moindre n'est pas Gedaliahu Guy Stroumsa, Franco-Israélien, professeur de religion comparée à l'université hébraïque de Jérusalem, où il dirige aussi le Centre d'étude du christianisme. Il a été invité par le Collège de France à prononcer quatre conférences consacrées aux «mutations religieuses de l'Antiquité tardive» aujourd'hui réunies en volume.
L'approche de Stroumsa est comparatiste, car il refuse de séparer le sort des deux religions se revendiquant de la Bible de l'évolution des religions dites païennes voire, plus tardivement, de celle de l'islam. Son hypothèse est celle d'un véritable «changement de paradigme» du domaine religieux dans le monde méditerranéen et proche-oriental. Il propose de voir dans cette période charnière (il fait commencer l'antiquité «tardive» au IIe siècle) une deuxième «époque axiale» caractérisée par un «effondrement des systèmes anciens, ceux des Grecs et des Romains, mais aussi de celui d'Israël», et par une «intériorisation de la religion». De cette «grande