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Libération
Critique

Graphomanie universelle

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Il se publie un million de livres par an dans le monde, contre 35 000 titres entre 1450 et 1550. Un essai paradoxal de Gabriel Zaid.
publié le 6 octobre 2005 à 3h59

«L'humanité écrit plus qu'elle n'est capable de lire.» La prolifération des livres est l'objet de cet essai aux accents de pamphlet du poète mexicain Gabriel Zaid. Les chiffres écrasent même le lecteur impénitent. Entre 1450 et 1550, premier siècle d'existence de l'imprimerie, on a publié environ 35 000 titres. La seule seconde moitié du XXe siècle en a produit 36 millions. L'humanité publie un livre toutes les 35 secondes. Ce n'est plus la multiplication des pains et des poissons, mais des livres par l'opération d'une industrie florissante. Pour affirmer aujourd'hui : «La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.» Mallarmé devrait rallonger les étagères de sa bibliothèque d'au moins 20 kilomètres. Et même si demain, on arrêtait la fabrication de livres, il faudrait 250 000 ans pour prendre connaissance de ceux déjà écrits.

De nos jours, tout le monde a une histoire à raconter, mais peu ont du temps pour lire. La «graphomanie universelle» engendre un million de titres par an dont la majorité ne seront jamais commentés, ni traduits, ni réédités. «Ils sont vendus (s'ils se vendent) comme nouveauté mais, après la courte vente de lancement, il n'y a pas de réédition. Ils restent (s'ils restent) dans les bibliothèques des amis, dans quelques solderies, dans l'un ou l'autre index bibliographique, pas dans l'histoire universelle.» Dans ces piles à rotation infernale, on trouve une immense majorité qui ne s'écrit pas pour le grand public et à l'opposé «des livres lamentab