Rome envoyé spécial
C’est un voyage dans le Novecento italien (en fait la première moitié), le vécu d’un siècle saisi par le corps, par l’intelligence du corps d’une femme, comme une traversée de la mer à la nage. Etres et choses ; hommes, femmes, enfants ; croûte craquelante d’une terre sismique ; vagues méditerranéennes de Sicile : c’est un monde tactile et onirique, aux abîmes scandaleux, qui effleure la peau jusqu’au cri de celle qui (se) raconte, et, coulant entre les cuisses, lui apporte toutes les délices. Il se laisse lire aussi comme un manuel de libération sexuelle, sociale, intellectuelle : l’Art de la joie justement en écho à l’art de la fugue de Bach. Une géométrie des affects qui destitue les passions tristes pour crier encore et encore son oui à la vie. Publié posthume en 1998, vingt ans après la fin de sa rédaction, l’Art de la joie est surtout un roman qu’on a refusé d’éditer du vivant de son auteur, parce qu’il n’était ni en avance ni en retard sur son temps mais simplement ailleurs. D’autres (mauvaises) raisons sont entrées en compte, tenant à la «monstruosité» du livre ou de celle qui l’a écrit, Goliarda Sapienza, d’abord sublime actrice de théâtre et de cinéma, puis, poétesse et romancière voulant saisir les temps qui changent.
Quelque peu «maudite», Goliarda Sapienza voulait, simplement, vivre, et l'écriture est venue, comme un pis-aller, suturer une vie qui partait en lambeaux. Les noms déjà sont lourds à porter : l'héroïne de l'Art de la